Mitsou
Quarante images par Balthusz
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Préface

Qui connaît les chats? - Se peut-il, par exemple, que vous prétendiez les connaître? J'avoue que, pour moi, leur existence ne fut jamais qu'une hypothèse passablement risquée.
Les bêtes, n'est-ce pas, pour appartenir à notre monde, il faut qu'elles y entrent un peu. Il faut qu'elles consentent, tant soit peu, à notre façon de vivre, qu'elles la tolèrent; sinon, elles mesureront, soit hostiles, soit craintives, la distance qui les sépare de nous et ce sera là leur manière de rapports.
Voyez les chiens: leur rapprochement confidentiel et admiratif est tel que certains d'entre eux semblent avoir renoncé à leurs plus anciennes traditions canines, pour adorer nos habitudes et même nos erreurs. C'est bien cela qui les rend tragiques et sublimes. Leur décision de nous admettre les force d'habiter, pour ainsi dire, aux confins de leur nature qu'ils dépassent constamment de leur regard humanisé et de leur museau nostalgique.
Mais quelle est l'attitude des chats? - Les chats sont des chats, tout court, et leur monde est le monde des chats d'un bout à l'autre. Ils nous regardent, direz-vous? Mais a-t-on jamais su, si vraiment ils daignent loger un instant auf fond de leur rétine notre futile image? Peut-être nous opposent-ils, en nous fixant, tout simplement un magique refus de leur prunelles à jamais complètes? - Il est vrai que certains d'entre nous se laissent influencer par leur caresses câlines et électriques. Mais que ceux-là se souviennent de l'étrange et brusque distraction avec laquelle leur animal favori mit souvent fin à des épanchement qu'ils eussent cru réciproques. Eux aussi, ces privilégiés admis auprès des chat, ont été reniés et désavoués maintes fois et, tout en pressant encore contre leur potrine la bête mystérieusement t apathique, ils se sentaient arrêtés au seuil de ce monde qui est celui des chats et que ceux-ci habitent exclusivement, entourés de circonstances que nul de nous ne saurait deviner.
L'homme fut-il jamais leur contemporain? - J'en doute. Et je vous assure que parfois, au crépuscule, le chat du voisin saute à travers mon corps, en m'ignorant, ou pour prouver aux choses ahuries que je n'existe point.

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