Trouver une chose, c'est toujours amusant; un moment avant elle n'y était pas encore. Mais trouver un chat: c'est inouï! Car ce chat, convenez-en, n'entre pas tout à fait dans votre vie, comme ferait, par exemple, un jouet quelconque; tout en vous appartenant maintenant, il reste un peu en dehors, et cela fait toujours;
la vie + un chat,
ce qui donne, je vous assure, une somme énorme.
Perdre une chose, c'est bien triste. Il est à supposer qu'elle se trouve mal, qu'elle se casse quelque part, qu'elle finit dans la déchéance. Mais perdre un chat: Non! ce n'est pas permis. Jamais personne n'a perdu un chat. Peut-on perdre un chat, une chose vivante, un être vivant, une vie? Mais perdre une vie: c'est la mort!
Eh bien, c'est la mort.
Trouver. Perdre. Est-ce que vous avez bien réfléchi à ce que c'est que la perte? Ce n'est pas tout simplement la négation de cet instant généreux qui vint combler une attente que vous-même ne soupçonniez pas. Car entre cet instant et la perte il y a toujours ce qu'on appelle - assez maladroitement, j'en conviens - la possession.
Or, la perte, toute cruelle qu'elle soit, ne peut rien contre la possession, elle la termine, si vous voulez; elle l'affirme; au fond ce n'est qu'une seconde acquisition, toute intérieure cette fois et autrement intense.
Vous l'avez senti d'ailleurs, Baltusz; ne voyant plus Mitsou, vous vous êtes mis à le voir davantage.
Vit-il encore? Il survit en nous, et sa gaieté de petit chat insouciant, après vous avoir amusé, vous oblige: vous avez dû l'exprimer par les moyens de votre tristesse laborieuse.
Aussi, une année après, je vous ai trouvé grandi et consolé.
Pour ceux cependant qui vous verront toujours éploré au bout de votre ouvrage, j'ai composé la première partie - un peu fantaisiste - de cette préface. Pour pouvoir leur dire à la fin:
«Tranquillisez-vous: Je suis. Baltusz existe. Notre monde est bien solide. Il n'y a pas de chats.»
Au Château de Berg-am-Irchel,
en Novembre 1920