Mensonges


II

1
Mensonge, jouet que l'on casse.
Jardin où l'on change de place,
pour mieux se cacher;
où pourtant, parfois, on jette un cri,
pour être trouvé à demi.

Vent, qui chante pour nous,
ombre de nous, qui s'allonge.
Collection de beaux trous
dans notre éponge.

2
Masque? Non. Tu es plus plein,
mensonge, tu as dex yeux sonores.
Plutôt vase sans pied, amphore
qui veut qu'on la tient.

Tes anses, sans doute, ont mangé ton pied.
On dirait que celui qui te porte, t'achève,
n'était le mouvement dont il te soulève,
si singulier.

3
Es-tu fleur, es-tu oiseau,
mensonge? Es-tu à peine mot
ou mot et demi? Quel pur silence
t'entoure, bel îlot nouveau
dont les cartes ignorent la provenance.

Tard-venu de la création,
oeuvre du huitième jour, posthume.
Puisque c'est nous qui te faisons,
il faut croire que Dieu te consume.

4
T'ai-je appelé?...Mais de quel mot, de quel signe
sui-je coupable soudain,
si ton silence me crie, si ta paupière me cligne
d'un accord souterrain?.....
.............................................)

5
À ce sourire épars
comment trouver un visage?
On voudrait qu'une joue s'engage
à mettre ce fard.

Il y a du mensonge dans l'air,
comme, autrefois, cette marquise
qu'on a brûlée, toute grise
de la vie à l'envers.

6
Je ne m'explique point.
On ferme les yeux, on saute,
c'est chose presque dévote
avec Dieu en moins.

On ouvre les yeux après,
parce qu'un remord vous ronge:
à côté d'un si beau mensonge,
ne semble-t-on contrefait?

Aus: Exercises et Évidences