Vieillir
Certains étés il y a tant de fruits
que les paysans ne daignent plus les prendre.
Ai-je, moi, ô vous, mes jours, mes nuits,
sans récolter, laissé passer aux cendres
les lentes flammes de vos beaux produits?
Mes nuits, mes jours, vous avez tant porté!
Vos branches toutes ont gardé le geste
du long labeur dont vous sortez:
mes jours, mes nuits, ô mes amis agrestes!
Je cherche ce qui tant vous fut propice.
Douceur pareille, pourrait-elle encor,
ô mes beaux arbres presque morts,
flatter vos feuilles, ouvrir un calice?
Ah, plus de fruits! Mais une fois dernière
s'épanouir en vaine floraison,
sans réléchir, sans compter, comme font
inutilement les forces millénaires.
Aus: Exercises et Évidences