Tombeaux
1
C'est donc à cela que ta vie fut un tendre prélude,
les inavoués, les absents se montrent ton coeur!
Au lieu de t'appeler au soleil à la fin des études,
on évite ton nom comme le nom d'une peur.
Ou évite ton nom que la pierre proclame sienne,
car l'événement qui aux pierres confère nos noms
pèse sur les voix des êtres qui se souviennent
cherchant de leur main égarée un aveu de leur front.
C'est donc à cela, à cette musique parfaite
que tout en toi consentait, amante et soeur.
La terre te chante; on sent l'élan de sa tête,
mais sa bouche est tournée ailleurs.
2
Encor, encor je vais et je m'incline
devant la lente vie de ton tombeau,
à la pervenche et à l'aubépine
tu as cédé la paix de ton enclos.
Un jeune été a recouvert la dalle.
Tant de verdure vivant entre nous!
Et tu me tends la pâle digitale
où l'on n'accède que par en dessous.
Il faut que le frelon avide plonge
avant d'entrer dans l'antre transparent
des fleurs penchées; pour être de leur songe
on doit venir d'en bas ressurgissant.
Sommes-nous hauts, nous autres, les vivants,
et trop loin de la prochaine pose!
Le lit même nous soulève et l'on n'ose
te ressembler, Amie, en s'endormant....
Aus: Exercises et Évidences