Coeur de viellard, qui dans sa morgue dort
Coeur de viellard, qui dans sa morgue dort,
et d'autres qui renoncent et renient -,
mais, ô combien!, qui dans leur crypte crient:
Encor! Encor!
Encor la peur, l'insulte, la tendresse
et l'angoisse qui nous plie -,
tout ce qui charme et tout ce qui blesse,-
enfin, qout ce qui fut la vie!
- Faisons du bruit, se disent ceux qui vivent,
entendre leurs regrets, à quoit bon? -
- Ô mes amis, approchons de la rive,
et écoutons, et écoutons!
Il faut connaître la voix entière,
le son qui sort de nous n'est que le quart;
ces disparus nous parlent de la mère
à nous, les orphelins et les bâtards.
Il nous demandent infiniment de vivre,
pour nous, peur ceux qu'on trompe, et pour eux;
le ciel résiste, mais la terre est ivre
de tant de bouches et de tous les yeux.
Ne croyez que fleurs et fruits consument
les innombrables morts inassouvis,
autour de nous, il reste d'amertume
et de douceur un flottant infini.
Obéissons, non à la jouissance
qui tôt s'évanouit et prend trop peu -,
mais aux murmures, mais aux influences,
mais à cet Ange vigoureux
qui entre nous, debout, et ceux qui gisent,
rapporte des messages et des cris,
pour qu'il attache à la terre promise
tous les élans de notre coeur promis!
(Rédaction définitive du poème précedent:)
Ne croyez que fleurs et fruits consument
les innombrables morts inassouvis,
autour de nous, il reste d'amertume
et de douceur un flottant infini.
Obéissons, non à la jouissance
qui tôt s'évanouit et prend trop peu -,
mais aux murmures, mais aux influences,
mais à cet Ange vigoureux
qui entre nous, debout, et ceux qui gisent,
rapporte des messages et des cris,
pour qu'il attache à la terre promise
tous les élans de notre coeur promis!
Aus: Poèmes et Dédicaces (1920-1926)